Donner des cours à des personnes en fauteuil

Hey ! Voilà bien longtemps que je n’avais pas écrit sur ce blog.

En partageant en story un petit extrait d’un cours que je donne à Gilles, qui est en fauteuil roulant pour un handicap lourd (tétraplégie), j’ai pu voir à quel point le fait de donner des cours à une personne en fauteuil suscitait un intérêt, des questionnements…

J’ai donc publié une petite vidéo sur Tiktok pour sensibiliser, car Gilles a mis beaucoup de temps à trouver une professeure de chant qui acceptait de lui donner des cours et en 2023, ça commence à devenir un peu inacceptable non ?!

Mes 4 conseils

Je ne vais pas entrer dans des conseils de technique vocale pure et dure (peut-être que je le ferai dans un second temps !) mais plutôt des conseils « d’organisation », on va dire.

  1. Des lieux accessibles
    Forcément, si on est dans un lieu avec des marches partout, ça devient compliqué.
    On vérifie que l’accès est donc possible sans difficulté, que les portes sont bien larges pour que le fauteuil passe et également, si la personne que vous recevez souhaite aller aux toilettes, que celles-ci soient adaptées (rehaussées avec une barre et de l’espace autour, c’est le top).
  2. Les objectifs du cours
    Comme avec tous mes autres élèves, je définis l’objectif du cours ; si c’est de la technique, qu’est-ce qu’il souhaite améliorer exactement. Cela peut être un cours exclusivement chanté où l’on partage juste le plaisir de chanter… et on corrige par exemple que la structure. On vérifie que cela nous corresponde aussi bien sûr.
  3. Communiquer
    Je n’hésite pas à demander à mon élève ce qu’il peut bouger ou non, ce qu’il sent/ressent et comment il le sent précisément. Je développe par exemple la proprioception des zones mobiles, j’ai donc besoin de savoir quelles sont ces zones.
    Je vois souvent des personnes mal à l’aise avec ce point, la communication est pourtant le point le plus essentiel afin de proposer un cours de qualité et adapté.
    Ce qui nous amène au point suivant 😉
  4. Adapter
    Comme avec tous mes élèves, j’adapte ma technique vocale aux possibilités corporelles, mais aussi à la sensibilité de la personne.

Cas pratique avec Gilles

Je donne des cours à Gilles depuis maintenant plus d’un an, je n’ai pour ma part jamais hésité et me suis sentie de suite à l’aise. Quand j’ai reçu son e-mail pour me demander si c’était possible, ma seule inquiétude était l’accessibilité de ma salle au Crès.

Ma salle est donc accessible MAIS, l’entrée qui est directe sur la route à de nombreuses fois étaient encombrées par des voitures se garant juste devant la porte, nous avons donc dû faire appelle à la police municipale pour qu’il puisse entrer dans le bâtiment ! Si la voiture s’était garée une fois que Gilles était entré, il aurait dû dormir sur place (vaut mieux en rire -_- !)!
Ce qui m’a choqué dans l’histoire ? C’est le regard dédaigneux de la demoiselle ayant garé son énorme 4×4 juste devant la porte, un « pardon je ne savais pas » aurait suffi 😉
(tu vois Gilles, je ne l’ai toujours pas digéré !).

Bwref.

Gilles m’a partagé l’expérience d’une professeure de chant qui, voulant bien faire, a essayé de lui faire ressentir son diaphragme… sauf qu’il ne ressent rien en dessous de son torse… Comment faire alors pour travailler un peu de technique vocale ?

Nous avons donc travaillé sur les sensations qu’il ressent lorsqu’il respire, travaillé également avec la paille pour un souffle plus régulier et équilibré… sa résonance et les autres sphères du geste vocal plus « accessible » par le haut du corps.

Sa voix avait tendance à ne pas être stable, mais comment travailler un « soutien » quand on n’a aucune sensation en dessous du torse ? On compense ! Chose compliquée pour moi qui passe mon temps à déverrouiller des compensations justement…
Je l’ai donc observé sur des notes tenues qui me semblaient confortables, assez stables, puis j’ai optimisé le geste qu’il avait lui-même instinctivement trouvé pour que l’on puisse l’utiliser quand il en avait besoin. En se cramponnant à son accoudoir, il active ainsi des muscles (notamment dorsaux et abdos j’imagine) qu’il ne peut en partie pas activer sans un geste du haut de son corps. J’ai demandé à Gilles qu’il « valide » mes théories auprès de son kiné histoire d’être sûre.
On a fait de nombreux ajustements et nous continuons de manière hebdomadaire à tester… d’ailleurs Gilles monte régulièrement sur scène lors de soirée karaoké ou scène ouverte et monte même un spectacle autour de chansons parodiques avec une amie à lui. C’est une personne très inspirante, qui m’a réellement bluffé quand je l’ai rencontré, il a un camion qu’il a aménagé avec lequel il voyage en Europeon a même fait cours dedans une fois faute de trouver un endroit accessible !!!

Il n’y a donc pas de recette miracle selon moi, les conseils que je donne plus haut conviennent à TOUS les élèves, qu’ils soient en fauteuil ou non, qu’ils aient des problèmes de vue, d’audition, cognitifs, ou que sais-je !

Finalement, j’ai tout de même l’impression que le fauteuil fait plus peur que la mise en pratique en elle-même… ou mets mal à l’aise.

Le but de mon article est clairement de sensibiliser les professionnels de la voix à devenir inclusif, sans s’imaginer que cela va leur demander tout un ensemble d’efforts supplémentaires ou d’ajustements.
Oui il y en a, souvent d’ordre « pratico-pratique », mais quand on sait pourquoi on les fait, ça vaut le coup non ? 😉

Merci à Gilles pour son concours 🙂

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